Al et Marilyn
Je fais un aparté au sujet de Marilyn, qui, curieusement, n’a jamais été évoquée dans les articles et les livres sur Al, il me semble. Elle est dans un angle mort de sa vie, vu de l’extérieur, alors qu’il y a pourtant un lien évident : Al a la particularité d’avoir eu, à partir de 1966 (au plus tôt), Lee Strasberg comme professeur et mentor (mais Al minimise beaucoup cela dans son autobiographie, peut-être à dessein…), et très certainement comme figure paternelle de substitution, exactement comme ça avait été le cas pour Marilyn pas si longtemps avant… (Cependant, Al écrit, toujours dans son autobiographie, qu’il le voyait plutôt comme un grand-père.)
À ceci près que le lien entre Marilyn et Lee Strasberg (et l’épouse de ce dernier) est infiniment plus documenté, et aussi plus compliqué, les Strasberg ayant assez clairement utilisé la fragilité de Marilyn pour se rendre indispensables auprès d’elle (figures parentales de substitution, sans nul doute, et, preuve en est, Lee Strasberg a même joué le rôle du père lors du mariage de l’actrice avec Arthur Miller…) et pour être ainsi plus célèbres.
Encore plus fort, le dernier testament de Marilyn (rédigé un an et demi avant sa mort) a fait de Lee Strasberg — qui a lu un discours aux funérailles de Marilyn — l’héritier de la moitié de sa fortune, et, de sa future deuxième femme, l’héritière de tous les droits commerciaux autour de l’image de Marilyn…
Or, Al ayant vingt-deux ans au moment de la mort de Marilyn, il a forcément, au cours de son adolescence, fantasmé un tant soit peu sur sa beauté, comme tous les jeunes Américains, car elle était LE sex-symbol d’une société encore très puritaine, et, de plus, elle a vécu un certain temps à New York en même temps que lui. Par conséquent, devenir un proche du mentor de Marilyn quelques années après elle (on peut compter seulement cinq ans entre le délitement du lien entre Marilyn et les Strasberg et l’entrée d’Al à l’Actor’s Studio —selon Wikipédia —, c’est très peu) a dû être très troublant pour Al : d’abord parce que, lui, jeune homme pauvre et inconnu du Bronx, se retrouvait dans une situation très proche de celle vécue par une star mondiale et déjà mythique ; ensuite parce que, si elle n’était pas morte dès 1962, il aurait probablement pu la rencontrer via les Strasberg un jour ou l’autre, et pourquoi pas, passer de l’autre côté du miroir en la séduisant (ils n’avaient que quatorze ans d’écart).
Coïncidence : le personnage d’Al dans Justice pour tous se nomme Arthur Kirkland, cela fait forcément beaucoup penser à Douglas Kirkland, le photographe de la sublime et célébrissime séance où Marilyn, vue de haut, pose nue sous des draps blancs, le visage plus enfantin et serein que jamais, un an seulement avant sa mort…