2017 Hangman
Moment de mélancolie pour moi : ceci est le dernier film de cinéma avec Al qu’il me reste à voir (enfin, « de cinéma », c’est relatif, puisque je vois sur Wikipédia que le film est sorti directement en DVD et en VOD) ; après, il ne me restera que deux téléfilms et une série à regarder. (J’ai finalement eu un peu de rab quelque temps plus tard, Knox a fini par être visible.)
Comme d’habitude, j’ai commencé le film sans rien en savoir, pour ne pas avoir de préjugés, mais j’ai très vite constaté qu’il s’agissait d’un énième thriller de série B (il fait d’ailleurs immédiatement penser à deux autres films avec Al : Un flic pour cible et 88 minutes), à la limite d’un téléfilm ou d’un épisode de feuilleton, et la carrière du réalisateur (qui n’a pas de fiche Wikipédia) va de pair.
Néanmoins, ce film est de qualité tout à fait honnête : le suspense est souvent haletant et stressant, le personnage d’Al est bien écrit (policier retraité qui n’arrive pas à complètement quitter sa carrière, fait des mots croisés dans sa vieille voiture classieuse, et n’a visiblement pas de vie privée), le binôme d’Al et Karl Urban fonctionne très bien (ce dernier, avec son côté « acteur à l’ancienne » — baraqué, calme, bel homme viril sans faire mannequin — est très intéressant), et le trio avec la journaliste qui les suit fonctionne bien aussi. D’ailleurs, l’association « enquête policière/reportage journalistique embedded » du trio enrichit agréablement et originalement le scénario.
Autre point original : la médecin légiste est peu assurée, bafouille et a un physique très lambda ; j’ai trouvé vraiment intelligent et touchant que le scénario invente un personnage à la fois hyper-qualifié professionnellement et pas sûr de lui, comme dans la vraie vie ! Donc ce n’est pas un personnage stéréotypé, et c’est heureux, car le personnage de la capitaine de police, en fauteuil roulant depuis une agression, très belle et implacable avec ses subordonnés masculins et la jeune journaliste, relève, au contraire, d’un cliché très rebattu au cinéma.
Le film s’inscrit dans le droit fil de Seven, matrice de ce genre cinématographique pour quelques décennies, semble-t-il, et a recours aux poncifs du genre (photographie souvent bleutée, bancs de brume dans ruelles glauques, bruits horrifiques dans la bande-son sur les lieux des crimes), tout en ayant une narration et une réalisation soignées.
Néanmoins, entre de nombreuses invraisemblances très nettes et quelques répliques trop explicatives pour l’éventuel spectateur un peu lent d’esprit, on est une fois de plus un peu chiffonné, voire interloqué, de voir Al là-dedans plutôt que dans des projets plus ambitieux. De plus, il est décevant de voir qu’il recycle une énième fois son fonds de commerce de ces années-là : air fatigué, dos voûté, pas traînant, yeux écarquillés avec effort... Non seulement ce n’est pas très passionnant à voir, mais il y a plusieurs moments où l’on perçoit la jeunesse de son regard ou son tonus dans sa façon de parler, et c’est vraiment rageant qu’il n’ait pas fait moins de films où il surjoue la fatigue et la vieillesse. Surtout, je ne comprends pas pourquoi il a tant joué cette carte-là. S’est-il dit que, puisqu’il avait beaucoup vieilli physiquement (par exemple, il avait 76 ans lors du tournage de Hangman), il n’avait pas d’autre choix que d’axer son jeu sur ce côté-là durant toutes ces années-là ?
Il est à noter que ce film est le dernier d’une très longue série que l’on peut pudiquement qualifier de moyenne, avant les trois glorieuses années qui verront Al tourner successivement avec Tarantino, Scorsese et Ridley Scott, donc son come-back au plus haut niveau du cinéma international.