2003 La Recrue (The Recruit)
J’ai commencé ce film avec une certaine inquiétude, car il n’existe pas le moindre exemplaire du DVD dans le pourtant gigantesque réseau des médiathèques de Paris, et le film n’est disponible sur aucune plateforme de VOD, ce qui constitue un record dans le cadre de ce Marathon, alors que je suis pourtant rendue au 42e film. Faisait-il donc partie de ces nombreux films notoirement censés être indignes du talent d’Al ? J’ai donc eu à acheter le DVD sur Internet.
Ce film à suspense est pourtant fort regardable, bien que lesté d’une musique de fond omniprésente et qui semble sortie d’une émission bas de gamme sur des phénomènes surnaturels. La première moitié est la moins emballante (selon moi, mais pas selon l’avis des internautes, je le découvre après coup), centrée sur un groupe de jeunes en formation en autarcie pour la CIA (ambiance Loft Story ou Star Academy) et sur l’attirance très soulignée entre les deux jeunes protagonistes. La deuxième moitié, avec le suspense qui décolle et devient assez scotchant, est meilleure.
Un point faible du film est l’esthétique très années 90 (cadrages très souvent de biais, couleurs froides, musique grunge ou mâtinée de trip-hop, look et jeu des deux jeunes acteurs, rythme des plans et des séquences très rapide, thématique high tech qui faisait nouveau et moderne à l’époque), donc c’est vraiment surprenant qu’il ait été tourné en 2002, et l’ensemble paraît désormais déjà daté.
Le deuxième point faible est Colin Farrell : même s’il ne démérite pas (et heureusement, car il est présent dans presque tous les plans), le voir perpétuellement tendu et nerveux est très redondant et lassant, je ne trouve pas qu’il fasse preuve d’une grande inventivité dans son jeu. De plus, je fais partie de celles qui ne le trouvent pas beau du tout, même jeune. Dans sa génération, Tom Hardy et Michael Fassbender (qui ont seulement un an de moins que lui) auraient été tellement plus intéressants, troubles et plus séduisants dans ce rôle… (hypothèse purement pour la forme, car ils étaient trop à l’orée de leur carrière pour être remarqués et obtenir ce rôle). Et, quelques années plus tard, Shia LaBeouf aurait été complètement taillé pour le rôle, avec une anxiété qui aurait été bien plus passionnante à voir.
Étudier le jeu d’Al dans un film mineur est une fois de plus très intéressant, on voit comment il arrive à se débrouiller, grâce à son inventivité, pour donner de l’intensité à son personnage de recruteur pour la CIA, de la confiance en soi (sa marque de fabrique en tant qu’acteur, qui irrigue la quasi-totalité de sa filmographie, surtout à partir des années 90), de la roublardise et du mystère, en plus du charme de sa petite soixantaine (malgré ce bouc qu’il a commencé à porter à cette époque-là, alors qu’il est tellement mieux avec un visage glabre). En tout cas, son personnage calme et plein de sérénité fait du bien par rapport au personnage perpétuellement nerveux et à fleur de peau de Farrell.
Je découvre après visionnage que le film a rapporté pas mal d’argent, et que les critiques assez positives des internautes sont nombreuses, donc, si ce film n’est pas passé à la postérité, il ne tombe pas non plus dans la catégorie des films à fuir.
Mise en abyme : à partir de 1 h 19, une scène de course-poursuite réellement haletante et réussie (c’est de loin le moment le plus abouti du film, aussi bien dans la mise en scène que dans le rythme et l’image, le film aurait pu avoir le même statut que Seven s’il avait été entièrement comme ça) a lieu dans une gare et fait énormément penser à la longue et cultissime scène de course-poursuite de L’Impasse dans la gare Grand Central. Difficile d’y voir une simple coïncidence. Ce possible clin d’œil à la filmographie d’Al est en tout cas émouvant, bien qu’Al ne figure absolument pas dans la scène.
Point-info « Al parle français » : il dit « espionnage » et « cercle sportif ».