2002 Insomnia

Un des rares films de ce Marathon que je n’ai pas eu envie de regarder une deuxième fois.

L’univers de Christopher Nolan n’est pas du tout ma tasse de thé : intrigues absconses, dialogues qui se veulent signifiants mais qui sont creux selon moi, trop de volonté d’en mettre plein la vue au public. Bref, l’anti-Truffaut.
J’ai quand même (bien sûr) regardé ce film, tout en découvrant vite que Nolan était à l’époque bien en deçà de ses capacités ultérieures (la scène d’introduction, avec un sublime paysage blanc en vue aérienne, est d’ailleurs tout à fait trompeuse, je trouve, car le reste du film est bien plus banal visuellement, c’est juste un thriller efficace et assez classique, si ce n’est l’emplacement géographique, très inhabituel). Nolan sait certes y faire (avec l’aide de son monteur…) pour distiller l’angoisse, le suspense, le sentiment de culpabilité, le manque de sommeil chronique, mais la caméra alterne bien trop vite entre les différents protagonistes (on est parfois à la limite du clip ou du film d’action bas de gamme sur ce point), le film reste longtemps très plat, les éléments qui font office de rebondissements sont presque toujours incompréhensibles (j’ai dû demander six ou sept fois à ma fille adolescente de m’éclaircir les choses, y a un problème, quand même !), et (le genre de chose que je déteste au cinéma) le film commençait mal, avec un long dialogue (entre le personnage d’Al et son collègue) creux, incompréhensible et ponctué de gros mots pour donner un peu de relief. C’est vraiment un cas d’école d’un très mauvais dialogue : on ne comprend rien, et c’est seulement dans les dernières minutes du film que le personnage d’Al explique de quoi il en retournait entre lui et son collègue. Quelle bêtise de n’avoir pas rendu ce dialogue (fondamental pour 50 % de l’intrigue) plus clair !

Pour ne rien arranger, le collègue est joué par un acteur (Martin Donovan, je connaissais son nom et — plus ou moins — son visage parce qu’il a été un acteur fétiche d’Hal Hartley) qui est épouvantable de non-charisme, c’est pénible de le supporter à l’écran : visage mou, jeu mou. Le monde grouille pourtant d’acteurs qui peuvent être très intéressants tout en jouant des types moyens.

Al est infiniment moins intéressant ici que dans ses grands films : ses quelques mimiques du visage pour contrebalancer son jeu assez impassible dans ce film me font l’effet de gimmicks d’un vieux professionnel. Pour ne rien arranger, je trouve que le réalisateur a trop appuyé sur la pédale pour montrer l’épuisement du personnage par manque de sommeil (c’est très souligné) et le vieillissement qui en découle : Al a tourné ce film à 61 ans, mais en paraît beaucoup plus, ça ne l’avantage pas du tout (bien que, certes, un film ne soit pas un concours de beauté et de jeunesse), alors que, dans l’interview six mois après le tournage qui figure dans les bonus, et dans les interviews sur YouTube dans les années suivantes, il est radieux.

Un détail : je suis souvent frappée par le nombre de films où le héros (avec un caractère complexe) est un homme et le deuxième rôle par ordre d’importance est tenu par une femme et elle joue les utilités, même aujourd’hui en 2023. Eh bien, dans le genre, voir Hilary Swank (que je n’avais jamais vue jouer, je la trouve bien) jouer une charmante jeune policière appliquée et souriante du début à la fin est assez choquant : on ne pouvait pas lui écrire quelque chose d’un peu plus complexe ??

Autre détail : j’apprécie toujours énormément les contre-emplois (le must, selon moi, est probablement Michel Serrault dans Garde à vue, talonné par Dustin Hoffman, crédible à 200 % en femme dans Tootsie) et je trouve qu’il n’y en a pas assez, donc que Robin Williams joue un assassin était une très bonne idée, mais, étrangement, même s’il joue bien le type à la fois banal et perturbé, il y a toujours quelque chose qui cloche, ça ne prend pas bien, je n’y crois jamais vraiment.

Dernière chose : j’ai été très étonnée de lire dans Télérama, quelque temps plus tard, qu’il s’agissait d’un « futur classique » (pour moi, non, trop de points faibles) et que le gimmick (bien trop répétitif) de la lumière qui envahit sans cesse la chambre du héros, l’empêchant de bien dormir, est un symbole de ce qu’il voudrait éteindre et faire disparaître : son sentiment de culpabilité. Ah bon.