2002 Influences (People I Know)

Le film se laisse regarder, mais est lesté de pas mal de points faibles (le parcours du réalisateur montre que l’on ne pouvait pas s’attendre à beaucoup mieux : il n’a presque rien réalisé pour le cinéma, et sa fiche Wikipédia — qui n’existe pas en français — ne laisse pas apparaître une filmographie listée, mauvais signe).

D’abord, le générique de début, qui se veut énigmatique et audacieux dans la forme, rend le film d’emblée agaçant et cabotin, et la très longue séquence où le personnage d’Al a pour mission d’accompagner une actrice droguée à l’aéroport est assez déplaisante, entre l’actrice qui surjoue sans grand talent son rôle de junkie vulgaire et Al qui joue, en permanence et sans nuances, un personnage au bout de l’épuisement.

Heureusement, passé cette première demi-heure jamais tout à fait crédible (on sent trop le scénario qui se veut audacieux), on est face à un film à suspense d’assez bonne facture.

Néanmoins, on garde perpétuellement le sentiment que le film se disperse trop entre deux pistes : piste « thriller politique » et piste « vie personnelle du personnage principal », avec en particulier, pour deux séquences seulement, dont une vraiment courte, Kim Basinger en belle-sœur veuve, ultra-belle et radieuse, douce, gentille, patiente et compréhensive, folle amoureuse de son beau-frère, n’en jetez plus ! Il y a quelque chose qui cloche dans la caractérisation de ce rôle trop parfait, lisse et pas assez développé (le film aurait d’ailleurs fortement gagné, globalement, à ne pas durer seulement une heure et demie, pour que différents axes ne soient pas traités si succinctement).

En outre, j’ose le dire, Al est un tout petit peu ennuyeux en jouant une grande partie du film à bout de forces (manque de sommeil — comme dans Insomnia —, mauvaise santé, trop de médicaments avalés au petit bonheur la chance, teint livide, carrière à bout de souffle, ennuis en série). D’ailleurs, toutes les fois où il joue soudain avec un certain entrain et de l’aisance (son personnage travaille dans le domaine des relations publiques), tel qu’on le connaît et tel qu’il est à son meilleur, le film est boosté et bien plus intéressant. Ça en va au point que, à la 58e minute, on peut assister à un très troublant saut dans le passé : durant une quinzaine de secondes, il joue (voix et mimiques) exactement comme dans certaines scènes de L’Épouvantail, Le Parrain et Un après-midi de chien… Émotion garantie.

Point-info « Al parle français » : il dit « Hôtel d’Orsay ».

Nota bene : une fois n’est pas coutume, je termine mon commentaire en commentant… la conférence de presse (faite à Sundance, et visible en bonus sur le DVD du film). JE TOMBE DES NUES (les lettres capitales sont indispensables dans un tel cas !) : non seulement Al fait bien plus jeune (et, osons les mots, bien plus séduisant) que dans le film, qui a dû être tourné au moins six mois plus tôt, mais qui plus est, hormis le vieillissement — bien normal — de la peau d’Al à cette époque, on a l’impression, un très grand nombre de fois durant l’interview, de le voir tel qu’il était dans les années 70 (visage, coiffure, expressions du visage), en particulier dans Un après-midi de chien… C’est plus que troublant, voire bouleversant.

La question est alors : était-ce une bonne idée de le vieillir à ce point-là pour le film ??? Oui pour la caractérisation du personnage (pour souligner le fait qu’il est très fatigué, arrivé au bout de sa carrière et de sa santé), mais non pour le côté iconique potentiel de ce rôle. Surtout, là où c’est forcément une très mauvaise idée, c’est que le contraste avec Kim Basinger, magnifique belle-sœur irradiant de santé, crée un décalage néfaste à la crédibilité de l’histoire, tandis que si le réalisateur avait laissé à Al le charme qu’il avait dans la vie à cette époque-là, d’après ce que l’on voit dans la conférence de presse (la petite soixantaine sur sa carte d’identité, donc faisant quelques années de plus, selon la théorie que j’ai énoncée dans l’introduction de ce site et à d’autres endroits), le sex-appeal conjoint des deux acteurs aurait aimanté et décuplé l’intérêt du spectateur (se disant, en trépignant : « Oui !! Il faut qu’Al quitte New York et parte s’installer avec sa belle-sœur en Géorgie !!! Et pourquoi cet idiot ne veut-il pas qu’elle l’embrasse ?? »). Quelle erreur stratégique de la part du réalisateur !