1996 City Hall
N’ayant jamais entendu parler de ce film, de près ou de loin, j’ai été fort surprise de le trouver si bon ! (Par la suite, j’ai appris qu’Al aurait décliné la proposition de jouer dans Seven pour jouer dans ce film-ci, c’est un peu dommage, puisque Seven — certes, particulièrement trash — a fait un carton et s’est inscrit dans le panthéon des films modernes, alors que City Hall a disparu dans les oubliettes.)
Le point le plus remarquable est le rythme, absolument parfait car très soutenu, sans temps mort, et symbolisant donc à merveille la légendaire énergie de New York, cette ville jouant un rôle central dans l’histoire (et je dois souligner que les toutes premières et les toutes dernières secondes sont une très gracieuse et touchante déclaration d’amour à New York).
Sont également très plaisants le jeu des acteurs (tous les seconds rôles ont été très finement castés et très bien joués, c’est un bon point XXL), le suspense perpétuel (avec cette particularité que le cœur de l’intrigue démarre dès la première minute, c’est rare à ce point), et la très bonne réalisation (un exemple entre autres : une scène de traversée d’une route passante par John Cusak est filmée au centimètre près, et avec la caméra au plus près de la circulation).
Bien évidemment, Al est une fois de plus royal : il est ultra-crédible en maire, car, pour ce personnage, il véhicule à merveille du charisme, de l’énergie mâtinée de placidité, un caractère naturellement dominateur mais aussi bienveillant, et un phrasé plein d’assurance (et toujours aussi captivant film après film). À cet égard, je suis étonnée que son discours véhément (et crescendo), mi-sincère mi-politicien, lors de l’enterrement d’un enfant, pour tâcher d’éviter un énorme problème pour sa carrière et pour la ville ne soit pas réputé, car il est à peu près du niveau du monologue à la fin du Temps d’un week-end.
Pour l’anecdote, il est assez amusant de voir Al mesurer une quinzaine de centimètres de moins que les autres acteurs dans de nombreuses scènes, sans que ça diminue d’un iota l’autorité naturelle de son personnage.
Le seul micro-bémol concernant Al est que ce rôle d’homme de pouvoir, roublard mais avec du cœur, ultra-sûr de lui et au phrasé mitraillette, est extrêmement récurrent dans cette partie de sa carrière. Sans que ça devienne lassant (son jeu est toujours aussi inventif et passionnant à observer), l’effet de surprise est fortement émoussé, voire absent.
Autre bémol, pour le film cette fois-ci, et qui ne finit par apparaître qu’à la fin : autant il est raisonnablement crédible que le jeune bras droit du maire (bien joué par John Cusack, mais avec Shia LaBeouf en image subliminale tant leur visage et leur jeu se ressemblent) s’improvise détective parce qu’il est intrigué et scandalisé par ce qu’il pressent, autant ça finit par paraître peu crédible (voire agaçant), puisque les indices, révélations et morts subites déboulent heure après heure (servis sur un plateau, sans temps mort, sans fausses pistes). Également, un dialogue dans les dernières minutes pèse des tonnes, car il surligne de façon bien trop appuyée le rapport père-fils entre les deux héros, rapport auquel, personnellement, je n’avais pas pensé, donc ça me donne l’impression que le réalisateur a voulu coûte que coûte faire passer le message pour les quelques spectateurs qui sont passés à côté de cette dimension, avec de trop longs plans sur le visage figé, triste et déçu de Cusack, et Al qui surjoue un tout petit peu pour nous faire comprendre que son personnage est honteux et mal à l’aise.
Mise en abyme : en plus du fait que, pour tout fan ayant de l’affection pour Al, le voir incarner magnifiquement un maire de New York, lui le petit garçon pauvre du Bronx et petit-fils d’immigrés, est profondément touchant (et je suis même surprise que les livres — en français, du moins — sur lui n’évoquent pas cette belle pirouette du destin), son personnage mentionne en l’espace de cinq secondes Miami et Madonna (difficile de ne pas y voir une mise en abyme avec Scarface et Dick Tracy). De plus, le cœur de l’intrigue tourne autour d’un chef de la mafia italo-américaine à New York (néanmoins très peu présent à l’écran, et avec un acteur au physique trop passe-partout), ce qui est un thème éminemment compatible avec la carrière d’Al, c’est le moins que l’on puisse dire...
Point-info « Al parle français » : il dit « bouquet ».