1992 Glengarry (Glengarry Glen Ross)
Je n’avais jamais entendu parler de ce film, et, au fil de ce Marathon Pacino, j’ai perçu qu’il avait plutôt la cote dans la filmographie d’Al (juste après le top 10, disons) (je découvrirai même par la suite sa quatrième place dans un classement des meilleurs films avec Al sur un site anglo-saxon, quatrième place ??!!). Quelle ne fut pas ma surprise…
Le film est certes bien filmé (en particulier, quelques très brèves scènes nocturnes et urbaines ont une très belle atmosphère grâce à la photographie ; pourtant le chef opérateur a eu une carrière sans grands films, en partie, il faut le dire, parce qu’il a tourné pas moins de huit films avec James Foley et David Mamet, qui ne sont pas des cinéastes de premier ordre), et le quatuor d’acteurs jouant les quatre collègues est particulièrement remarquable.
Mais le film est en permanence assez déplaisant : champ/contre-champ frénétique dans certains dialogues (pour bien montrer l’effet ping-pong des échanges, mais c’est fatigant à regarder), beaucoup de bla-bla tactique ou pseudo-philosophique entre les personnages (c’est franchement creux), free jazz très années 90, innombrables bordées d’injures et de propos scatologiques (le film est d’ailleurs apparemment connu pour cela), et intrigue très maigrelette : une heure trente presque exclusivement dans un bureau (adaptation d’une pièce de théâtre oblige), avec des escrocs vendeurs de terrains, perpétuellement angoissés et tendus car n’arrivant pas à vendre assez.
Le point extrême de ces défauts a lieu dès le début, la première demi-heure est complètement kafkaïenne, avec un ressort que le scénariste a voulu mystérieux et redondant : « les fiches » que les vendeurs veulent absolument avoir. Le procédé n’est pas mauvais pour créer du suspense et un effet absurde, mais, étiré sur trente minutes, c’est usant et agaçant.
Le seul point fort qui empêche de réellement détester le film (film que, en tout cas, je ne veux absolument pas revoir) est les acteurs : Ed Harris parfait en dur-à-cuire qui a atteint le sommet du ras-le-bol quant à ses conditions de travail, avec un jeu très millimétré ; Alan Arkin en collègue suiveur, un peu benêt et lent dans la réflexion (là encore, le jeu est millimétré pour atteindre ce résultat) ; Jack Lemmon poignant en homme âgé et littéralement désespéré de ne plus réussir à gagner sa vie (il a d’ailleurs gagné le prix de la meilleure interprétation à la Mostra de Venise, ce qui n’est que moyennement surprenant, ce festival récompensant souvent des acteurs dans des films peu connus, et ce prix restera le seul vraiment prestigieux dans le palmarès lié à ce film) ; et, bien évidemment, Al, royal en über-mâle hyper-confiant en lui et dominateur (son rôle est très proche de celui dans Heat sur ces points, et aussi physiquement), charmeur cynique, très forte présence au point d’en devenir inquiétant, et langage perpétuellement vulgaire. Comme j’aurai l’occasion de le dire plus loin pour Heat, j’admire sa propension à savoir faire cela (je pense qu’il est l’un des rarissimes acteurs à véhiculer aussi bien cette personnalité dominatrice dans des personnages), mais c’est sans conteste ce type de personnage (à la virilité caricaturale) qui m’intéresse le moins dans sa carrière.
Je mets deux autres bémols : un bémol pour Kevin Spacey, car il joue la fadeur de façon très ennuyeuse, au point d’être transparent (c’est peut-être le personnage et la direction d’acteur qui implique cela, mais c’est trop atone), alors que, dans un plus petit rôle quasi muet, Jonathan Pryce joue la fadeur de façon bien plus intéressante ; et un bémol pour Alec Baldwin, dont le long monologue ultra-autoritaire, méchant, brutal et vulgaire est tellement too much qu’il en est pénible et très peu intéressant. Il aurait fallu bien plus de nuance pour en faire un moment fort. C’est par exemple à cet élément-là que l’on peut comprendre que James Foley n’est pas un grand réalisateur.
Point-info « Al parle français » : Al dit « café au lait ».